Cette stèle montre le dieu Mahâkâlâ, personnification d’une forme de Shiva converti au bouddhisme. Déité à l’épiderme noir, il est reconnaissable à son troisième oeil frontal, son diadème orné de têtes de morts, et présente au sommet de son crâne, son chef de lignée, le jina, Akshobhya. Sa taille, est ceinte d’une peau de tigre, et d’une guirlande de cinquante têtes coupées et sanglantes. Dans ses mains, il tient un couperet et une coupe crânienne (kapâlâ) emplie de sang, ainsi que le bâton magique posé à l’horizontale sur la saignée de ses bras. Ce Mahâkâlâ est généralement accompagné d’un oiseau noir, d’un chien noir, d’un chacal noir et d’un homme noir. Il est ici sous sa forme Gur-gyi mgon-po « le Protecteur de la tente ». Cet aspect le montre accroupi au centre d’un charnier, sur le corps d’ennemis vaincus. Au dos de cette stèle, figure une inscription à caractère historique ( rare au Tibet) précisant le nom du donateur : A-tsa bag-shi, ainsi que la date de création : 1292 .Cette sculpture fut taillée dans un calcaire beige verdâtre, compact à grain homogène et très fin. Elle apporte un témoignage du culte de Mahâkâlâ, très répandu au Tibet, et qui connaîtra des développements très variés. Cette oeuvre est peut-être l’oeuvre d’un artisan newar, de Katmandou au Népal, s’étant expatrié, et atteste de la forte influence népalaise, qui s’exerce sur l’art tibétain de l’époque. Datant de la domination de la dynastie mongole des Yuan sur l’Asie, cette pièce vient rappeler que la religion officielle de cet empire était alors le lamaïsme tibétain. Le donateur, A-tsa bag-shi, était l’assistant de Phags-pa (1235-1280) neveu de Qubilaï (1215-94), empereur des Yuan, qui lui confia la direction des affaires religieuses.