Le Musée national des arts asiatiques – Guimet conserve plusieurs albums de photographies ne traitant pas de l’Asie, parmi lesquels un album dédié à la Turquie, un de ces albums comme il devait s’en trouver dans la bibliothèque d’un homme de bien, voyageur et curieux à la fin du 19e siècle.


Pascal Sébah (1823-1886), Portrait d’une femme grecque de Constantinople, 1873, Épreuve sur papier albuminé, AP10212 (Photographie 97 de l’album AP10115)

À l’époque de l’invention de la photographie, l’Empire ottoman touchait à sa fin. Les administrateurs ottomans, qui imputaient ce déclin à l’incapacité de l’Empire à s’adapter au monde occidental, firent venir d’Europe de nombreux spécialistes. Ils leur confièrent des responsabilités dans les affaires militaires, économiques et sociales de l’État. Médiatisée par ces derniers, la ville d’Istanbul – qui s’appelait alors Constantinople –, devint le centre de tous les regards.

Les premiers voyageurs occidentaux au Proche-Orient ont d’abord photographié leur environnement, mais, peu à peu, ils y ont intégré des personnages. En se familiarisant avec le monde islamique, ils ont surmonté leur timidité et se sont intéressés davantage aux scènes de rue. Avec le temps, la multiplication de représentations humaines va encourager l’apparition de studios de photographes et le développement du portrait.
Pascal Sébah (Istanbul, 1823 – Istanbul, 25 juin 1886) ouvrit en 1857 un studio appelé El Chark Société Photographique, et, vers la fin de 1873, il en ouvrit un second à côté du célèbre hôtel Shepard au Caire. Pascal Sébah prit des images d’Istanbul, de Bursa (Brousse), du Caire et du Proche-Orient. En 1888, son fils, Jean-Pascal Sébah (1872-1947), s’associa par l’entremise de son oncle Cosmi (? -1896) à Policarpe Joaillier (1848-1904), photographe installé à Istanbul. Leur studio, connu sous le nom de Sébah & Joaillier, connut un âge d’or à cette époque.

Les visiteurs étrangers, en constante augmentation, commandaient dans des catalogues des images de panoramas urbains, de scènes de la vie quotidienne et de gens ordinaires. Parmi la variété infinie de photographies, les plus populaires étaient celles de femmes orientales et de harems, magistralement créées dans le studio Sébah & Joaillier. Elles portaient des titres comme Femme turque, Jeune Fille turque ou Femme musulmane, mais, en réalité, une musulmane ne pouvait poser devant un objectif sous peine de sanctions de la part des administrateurs ottomans. Les modèles étaient donc généralement choisis parmi les femmes travaillant dans les établissements de divertissement de Péra. Parfois, il s’agissait de dames occidentales en visite, ayant revêtu pour l’occasion un costume oriental. La difficulté de trouver des modèles féminins conduisait certains photographes à faire appel à des hommes travestis en femmes.

Cette photographie représente une femme grecque de Constantinople (ou femme rum), posant en costume (pantalons bouffants, pendentifs, colliers et bottes à talons et pompons) dans le studio de Pascal Sébah. On remarque ses longs cheveux défaits, l’un des signes distinctifs des femmes non musulmanes ou célibataires, selon les codes sociaux ottomans.

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