Cette peinture en rouleau vertical montre la cime d’un bosquet de bambous rendu à l’encre monochrome occupant l’espace sur toute la hauteur, selon un réseau savamment gradué. Les feuilles proches sont traitées à l’encre épaisse, les plus éloignées à l’encre claire, suggérant un effet de brume. Végétal symbolique, la ressemblance graphique des feuilles et des tiges du bambou avec les traits du pinceau a toujours attiré l’intérêt des calligraphes.
Depuis l’époque Song (960-1279), le bambou fut crédité de multiples valeurs. Sous les Yuan, des peintres taoïstes comme Wu Zhen, célèbrent les vertus du végétal, par la représentation duquel le peintre entrait en osmose avec la nature. La pérennité et la résistance du bambou qui ploie sans se briser sont également le symbole de vertus confucéennes. Plus qu’un autre, le milieu des lettrés du Jiangnan (Jiangsu et Zhejiang) s’est ouvert au Néo-Taoïsme et au Confucianisme.
La peinture de lettrés yuan poursuit le développement de celle des lettrés Song, elle réaffirme ainsi leur héritage culturel et leur identité en se tournant vers le passé. La fin de l’art didactique de l’Académie Song fidèle au goût de l’empereur Huizong (1101-1125), permit l’essor d’une peinture de lettré qui devint pour l’artiste le véhicule d’une fidélité morale et culturelle à soi même, ainsi que l’expression d’une classe de gens vivant dans un exil volontaire sous la domination étrangère. Se détournant de la peinture figurative et narrative des professionnels et de l’Académie, ces peintres développèrent une approche calligraphique du paysage en tant qu’expression graphique de la pensée employant des mots aussi bien que des images. Souvent accompagnées de poèmes, ces formules calligraphiques simplifiées qu’ils employaient désormais en peinture contribuèrent au nouveau vocabulaire abstrait sur des modes expressifs et personnels.