[English below]
Les Hackin sont deux noms légendaires du musée. Tout y concourt : leur contribution majeure à l’archéologie de l’Afghanistan, leur couple et la destinée tragique qu’ils partagèrent. « Jusqu’à ce que la mort les sépare » aurait été leur devise.
Ils étaient tous deux d’origine
luxembourgeoise, étaient issus d’un milieu modeste mais parvinrent à une
position d’intellectuel et une brillante notoriété. Des deux, Joseph
(1886-1941) était le plus âgé. Fils de cocher, cet élève exceptionnel fut formé
chez les frères Lassaliens, tournés vers les enfants pauvres, et très novateurs
dans leur pédagogie. Joseph fait ainsi partie des très rares Français à obtenir
le baccalauréat en 1903. Il s’inscrit à la toute jeune École libre des sciences
politiques – ancêtre de sciences-Po. Diplômé en 1907 de sa section économique
et sociale, il embrasse la carrière orientaliste, se forme au tibétain et au
sanskrit.
Héros de la Première Guerre mondiale – il fut blessé trois fois – il arrive également à soutenir sa thèse en
1916 ! Tous ceux qui le connurent furent frappés par son physique de
colosse aux yeux bleu glacier. Il prit part à la Mission Citroën en Haute-Asie
(dite « croisière jaune »), voyagea inlassablement, tout en dirigeant
le musée, en grande partie à distance après la disparition d’Émile Guimet en
1918. Il dirige la maison franco-japonaise de Tokyo de 1930 à 1933 puis, à
partir de 1934, la Délégation archéologique française en Afghanistan.
En 1928 il épouse Marie (1905-1941), née dans la Moselle occupée par les Allemands. Elle se forme à ses côtés et sera de presque tous ses voyages, mènera les fouilles du site fondamental de Begram (Afghanistan). Sa personnalité palpitante nous est rendue sensible par les photos, bouleversantes, qu’elle fit des Afghans et des Afghanes les plus humbles et les plus retirés, et son intérêt pour la vie séculaire d’un pays, par son travail d’ethnologue que ce soit en Afghanistan ou, dans une moindre mesure, plus tard, au Japon.
Depuis l’Afghanistan où ils se trouvaient alors, ils se rallièrent dès la première heure au général De Gaulle. Arrivés à Londres avec Jean Carl, leur inséparable ami, architecte de leur mission et d’origine luxembourgeoise comme eux, ils se mirent au service de la France Libre. Le 11 novembre 1940 Joseph prononçait à la demande du Général le discours sur les ondes de Radio Londres et fut, avec Ria, choisi pour être l’ambassadeur extraordinaire de la Résistance française de l’extérieur.
Leur bateau, le Jonathan Holt, fut torpillé le 24 février 1941 au large des îles Féroé et ils périrent ensemble.
Ils demeurent une légende de l’alpha à l’oméga de leur fin tragique ; ils sont le seul couple décoré conjointement de l’Ordre de la Libération par le général de Gaulle. Ria fut la première des seulement six femmes sur les 1038 membres à entrer dans l’Ordre. N’ayant pas d’enfant c’est le musée qui reçut et conserve leur décoration. Leur travail marque toujours fortement les riches collections d’Afghanistan du musée.
Ria and Joseph Hackin
The Hackins are two legendary names in the museum. Everything contributes to it: their major contribution to the archaeology of Afghanistan, their relationship and the tragic destiny they shared. « Till death do us part » would have been their motto.
They were both of Luxembourg origin, came from modest backgrounds but achieved an intellectual position and a brilliant notoriety. Of the two, Joseph (1886-1941) was the older. The son of a coachman, this exceptional pupil was trained by the Lassalian brothers, dedicated to poor children, and very innovative in their pedagogy. Joseph was thus one of the very few Frenchmen to obtain the baccalaureate in 1903. He enrolled at the then new École libre des sciences politiques—the forerunner of Sciences-Po. Graduating in 1907 from its economic and social section, he embarked on a career as an orientalist, learning Tibetan and Sanskrit.
Hero of the first World War—he was wounded three times—he neverteless managed to defend his thesis in 1916! All those who knew him were struck by his physique of a colossus with glacier blue eyes. He took part in the Citroën Mission in Upper Asia (known as the « Yellow Cruise »), travelled tirelessly, while directing the museum, largely from a distance after the death of Emile Guimet in 1918. He directed the Franco-Japanese House in Tokyo from 1930 to 1933 and then, from 1934, the French Archaeological Delegation in Afghanistan.
In 1928 he married Marie (1905-1941), born in the German-occupied Moselle. She trained at his side, accompanied him on almost all of his travels, and led the excavations of the fundamental site of Begram (Afghanistan). Her thrilling personality is brought to our attention by the moving photographs she made of the most humble and secluded Afghan men and women, and her interest in the secular life of a country, through her work as an ethnologist, whether in Afghanistan or, to a lesser extent, later in Japan.
From Afghanistan, where they were then, they rallied to General De Gaulle from the very beginning. Arriving in London with Jean Carl, their inseparable friend, architect of their mission and of Luxembourg origin like them, they put themselves at the service of Free France. On 11 November 1940, at the General’s request, Joseph gave a speech on Radio London and, together with Ria, was chosen to be the extraordinary ambassador of the French Resistance from abroad.
Their ship, the Jonathan Holt, was torpedoed on 24 February 1941 off the Faroe Islands and they perished together.
They remain a legend from the alpha to the omega of their tragic end; they are the only couple jointly decorated with the Order of the Liberation by General de Gaulle. Ria was the first of only six women out of the 1038 members to enter the order. As they had no children, it was the museum that received and conserved their decoration. Their work still leaves a strong mark on the museum’s rich Afghanistan collections.