Vajrasattva-Akshobhya, l’ « Immuable », et sa parèdre

Monde himalayen
Tibet méridional, première moitié du 13ème siècle
59,60 x 51,30 cm
Détrempe sur toile
Légende

Photo (C) RMN-Grand Palais (MNAAG, Paris) / Thierry Ollivier

Titre de l'alerte œuvre non exposée actuellement

Les différents courants du bouddhisme tantrique placent au sommet de leur panthéon une catégorie d’entités spirituelles représentant l’essence suprême de l’enseignement bouddhique. Vajrasattva "l’Être adamantin", c’est-à-dire "Celui dont l’essence est le diamant", est l’une d’entre elles.

Collectivement désignées sous l’appellation d’adibuddha, "Bouddha du commencement", ces déités peuvent être considérées comme la manifestation d’un Bouddha primordial, immanent et transcendant, duquel procède l’ensemble de la doctrine révélée en notre ère par le Bouddha historique Shakyamuni. Dans le monde tibéto-himalayen, Vajrasattva est plus spécifiquement perçu comme la personnification de la pureté fondamentale de l’esprit ; il incarne le principe même de l’Éveil. Dans le bouddhisme tibétain, ce principe d’Éveil se décompose en cinq familles de déités (en sanskrit kula) en lesquelles s’incarnent la nature essentiellement vide et lumineuse de toute chose. À la tête de ces cinq familles se trouvent cinq Bouddha transcendants, les vainqueurs (en sanskrit jina), siégeant aux points cardinaux de l’espace et au centre. Identifiables entre autres à leur couleur, au geste qu’ils effectuent, à l’attribut qui leur est associé, ces cinq jina peuvent être représentés seuls ou en compagnie de leur parèdre. Ils appuient le pratiquant dans sa lutte spirituelle contre les passions négatives (désir-attachement, jalousie, ignorance, colère, orgueil) afin de développer les qualités positives qui le conduiront à l’Éveil.


Dans cette peinture, la couleur bleue des deux figures principales invite à les reconnaître comme Akshobhya-Vajrasattva, le jina de l’Est – dont le bleu est précisément la couleur – en compagnie de sa parèdre, Mamaki ou Lochana. Entouré de huit bodhisattva, Akshobhya-Vajrasattva enlace de son bras gauche la taille de sa compagne, assise à son côté. Il tient en mains les deux objets les plus essentiels à sa fonction. Le vajra ("foudre-diamant") – symbole masculin représentant la nature indestructible de l’Éveil, mais aussi la Compassion – est figuré verticalement dans la paume de sa main droite ; la ghanta ("clochette"), symbole féminin de la Sagesse, est tenue dans sa main gauche, appuyée sur la cuisse au niveau de la taille. La déesse, quant à elle, tient également une clochette dans la main gauche et passe son bras autour du cou de son compagnon.


Cette peinture révèle la forte dette de l’art tibétain à l’égard du vocabulaire stylistique et iconographique de la dynastie bouddhiste des Pala, prospère au nord-est de l’Inde et dans l’actuel Bangladesh entre le 8e et le 12e siècle : lignes fluides et sinueuses des corps, par ailleurs fort peu réalistes dans leurs proportions, visages aux contours anguleux, palette contrastée où dominent les tonalités de bleu, de rouge, de jaune et de blanc, modelé obtenu par la juxtaposition de tonalités plus ou moins denses dans chaque gamme chromatique.


D’un point de vue typologique, cette peinture appartient à la catégorie des thangka. Ces œuvres, à la fois support de méditation et d’enseignement, jouent un rôle important lors des rituels. Traditionnellement peints sur toile de coton, parfois sur soie pour certaines pièces exceptionnelles, les thangka tibétains sont élaborés selon un cheminement complexe : de la réalisation du dessin, selon des règles iconométriques et iconographiques précises, à la mise en couleur au moyen de pigments essentiellement minéraux. Traditionnellement, la peinture est complétée par un montage consistant, pour les exemples les plus anciens, en deux bandes de textile de forme trapézoïdale, cousues en haut et en bas, puis munies de bâtons permettant d’assurer la planéité de l’œuvre lorsqu’elle est suspendue et exposée au regard du pratiquant ou facilitant son enroulement lorsqu’on ne s’en sert pas.

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