Négligeant les détails anecdotiques et toute illustration d’un cadre environnant l’image principale, l’artiste Hakuin atteint ici une pure expression de la méditation, celle que connut le premier patriarche Zen Daruma (Bodhidharma) face à un rocher durant neuf ans. De l’abstraction de la silhouette, campée d’un trait rapide et sûr à la manière d’un idéogramme, se dégage une énergie farouche qui semble émaner tant du corps du patriarche que de la main du peintre. Une inscription, fait écho à cette image symbolique de la quête spirituelle : « Regardant à l’intérieur de lui-même, l’homme devient Buddha ». Reflétant l’essence de l’enseignement de la secte Rinzai, qui refuse le rationalisme et toute systématisation de la pensée, l’art intuitif et calligraphique de cet artiste, se pose comme la clé d’une liberté spirituelle sans limites.
Cette intuition semble être l’axe de recherche commun à la peinture monochrome zen dont le but est d’atteindre une forte expressivité, et pour laquelle ces peintres tendent à rompre avec les règles académiques.
Hakuin, célèbre dès son vivant pour son oeuvre de réformateur de la pensée zen, et plus précisément de celle attachée à la secte Rinzai, apparaît aussi comme le fondateur d’une esthétique puissamment novatrice, marquant le développement de l’art zen au-delà de l’époque d’Edo. Ce n’est pas dans le choix de ses sujets mais dans le traitement libre imposé à ceux-ci dans des compositions resserrées sur des contours simplifiés, que se manifeste l’originalité de l’auteur. Ainsi ce portrait de Daruma face au mur compte-t-il au nombre des thèmes récurrents dans son œuvre, et témoigne de la maturité de l’art du peintre par la spontanéité de son style et la portée des commentaires qui émaillent ses compositions.
D’après H. Bayou.