Ce masque réalisé en bois et revêtu d’un tissu beige clair (comme les sept autres rapportés par la mission Varat conservés au musée Guimet) porte une couche de polychromie ancienne, aux nuances délicates, et qui a été recouverte par deux couches de repeint nettement plus tardives. Cette oeuvre évoque un visage féminin, à l’ovale parfait, dont l’extrême pâleur contraste avec le dessin accusé des sourcils et le noir de la chevelure. Entre les yeux, une tâche rouge apparaît comme l’unique touche de couleur vive de cette pièce.
Cette figure évoque sans doute celle de la jeune chamane (« Somu », en coréen), telle qu’elle apparaît dans les masques du théâtre Sandae, à l’occasion des jeux exécutés pour la fête de Tano, le cinq du cinquième mois lunaire. En Corée, sous la dynastie Yi (1392-1908), ce spectacle était en quelque sorte l’apanage de la cour ; il était placé sous la protection du roi et pris en charge, pendant un temps, par l’office gouvernemental chargé d’organiser les divertissements de la Cour et les fêtes officielles.
D’après certaines informations transmises par l’explorateur Charles Varat et publiées par « Le Journal des Voyages » en 1894, il semble que ces masques en bois aient plutôt servi lors de cérémonies funéraires, dans le but de conjurer les influences néfastes entraînées par la mort, et pour protéger les vivants des esprits maléfiques. Au cours de ces enterrements, des danseurs, tragiquement costumés et masqués, étaient chargés d’empêcher le « mauvais esprit » de s’échapper. Une fois la cérémonie terminée, on ramenait dans un précieux petit meuble le « bon esprit » protecteur des membres de la famille du défunt.
Outre leurs vertus prophylactiques, ces masques apparaissent comme le reflet exact de la société de l’époque. Avec un réel sens de l’humour et, souvent sur un mode poétique particulièrement raffiné, ils font appel aux différents types humains ou sociaux de la Corée Chosôn.