Cette oeuvre est un exercice de style réalisé lors d’une réunion entre amis, ainsi que le rapporte le long colophon autographe. Elle s’inscrit dans la grande tradition calligraphique des Song du Nord (960-1127) que l’artiste, Shen Zhou, s’était fixé comme référence presque exclusive. Il admirait tout particulièrement Huang Tingjian (1045-1105), poète, calligraphe critique d’art, et ami du Poète Su Dongpo (1031-1101), auteur de la « Promenade à la Falaise rouge », qui était tourné vers des sources d’inspiration archéologiques exhumées à l’époque Song, qu’il considérait comme modèles de simplicité, d’expression et d’une énergie profonde. Sa réponse aux modèles antiques, accentuant la pouvoir créateur du pinceau, introduit Huang Tingjian lui-même comme un élément de la tradition.
Ce goût pour l’archaïsme arrive à la fin de la période des Song, le passé archaïque chinois était alors perçu comme un exemple riche de promesse dans la modernité. Ici, la cursive monumentale de Shen Zhou, tout à la fois parfaitement lisible, aristocratique et pleine de vie, reste proche de l’écriture régulière, et s’anime de « l’empreinte du coeur » xinyin, marque d’une expression personnelle recherchée tout particulièrement par les grands maîtres des Song, puis par ceux des Ming.
L’auteur, poète, calligraphe et peintre, est considéré comme le maître influent de l’école de Wu dont émergeront les peintres-lettrés les plus importants de la dynastie des Ming. Lettré accompli, il se tint à l’écart des contraintes de la carrière mandarinale pour mener la vie d’un esthète. Il appartient à cette seconde moitié du XVe siècle, tournée vers les valeurs traditionnelles des Song du Nord et des époques antérieures.