Avec ses mille mains largement tendues vers le monde des hommes qu’elle écoute et qu’elle comprend, cette divinité féminine manifeste de manière spectaculaire la vertu bouddhique de la compassion.

Debout, dotée de trois faces, cette représentation féminine est coiffée d’un riche diadème orné de cinq Bouddha assis en méditation. Ils proclament avec éclat la nature bouddhique de la sculpture. Les mille bras qu’elle a reçus forment un extraordinaire éventail, déployé telle la queue d’un paon faisant la roue. Aux vingt-deux paires de membres principaux esquissant des mouvements divers mais symétriques répondent des centaines de bras de taille réduite. D’un traitement plus schématique, ils sont répartis en deux ensembles en demi-lune à plusieurs rangs d’épaisseur, disposés de part et d’autre des épaules.

Avalokiteshvara à mille mains, Vietnam, fin 18e – début 19e siècle, bois laqué et doré, H. 151 cm sans la base, don Gustave Dumoutier, 1889

Tout ici renvoie à une image bien connue du panthéon bouddhique, le bodhisattva Avalokiteshvara ou Lokeshvara, « le Seigneur des Mondes », celui « qui voit et qui entend », considéré comme l’incarnation d’une des plus importantes vertus bouddhiques : la Compassion. Ici plus précisément, il s’agit du « Seigneur des Mondes doté de mille mains et de mille yeux », symbole limpide de la Compassion infinie tournée vers le fidèle dans sa quête de la Voie du Bouddha. Cette entité bouddhique a bénéficié d’une ferveur incomparable dans l’ensemble du monde asiatique, de l’Inde à l’Asie centrale, partout où les écoles du Grand Véhicule ont été adoptées. Son culte a fait l’objet d’une grande faveur, notamment dans le contexte du développement du bouddhisme zen, dès les 9e-10e siècles.

Figurée debout, en gloire, en position frontale, elle est entièrement revêtue d’une laque d’or qui lui confère une dimension cosmique très spectaculaire.

La sculpture fait partie d’un panthéon bouddhique vietnamien complet, unique en dehors du Vietnam, que Gustave Dumoutier (1850-1904) avait offert au musée Guimet dès la fin de 1889, à la clôture de l’Exposition universelle de Paris, où il avait présenté une « pagode bouddhique tonkinoise » dotée de tout le mobilier cultuel et animée par des prêtres venus de Hanoi.