Femme d’exception, la grande exploratrice, première européenne à pénétrer, en 1924, dans la ville de Lhassa, capitale du Tibet interdit, exprima dans ses écrits l’attachement qu’elle éprouvait pour le musée Guimet.
Dès son enfance, Alexandra manifeste un goût irrépressible pour la liberté (elle fréquentera le géographe anarchiste Elisée Reclus) et l’aventure. Lorsque le musée est fondé en 1889 par Emile Guimet, la jeune fille, âgée de 21 ans, gagne sa vie comme chanteuse lyrique depuis un an et il en sera ainsi jusqu’en 1902. Elle écrira alors un captivant roman, Le grand art, publié seulement… en 2018 ! On y découvre une Alexandra surprenante, inconnue, qui emporte le lecteur dans le récit de cet épisode tourmenté de son existence.
Pourtant déjà, ses pas l’avaient portée vers le nouveau musée Guimet. Cette découverte est décisive, car elle va déterminer sa vocation d’orientaliste, ainsi qu’elle le racontera, par exemple, dans L’Inde, hier, aujourd’hui, demain (1951). Elle passe des « moments de ravissement » dans la bibliothèque du musée, qu’elle compare à un temple, fait la connaissance d’Emile Guimet, et assiste ainsi à une des cérémonies bouddhiques (1898) que celui-ci y organisait.
A. David-Néel se plonge dans l’étude du bouddhisme, du sanskrit et du tibétain, et effectue un premier voyage en Inde en 1894, mais c’est le récit du fabuleux périple (1911-1925) qui la conduira jusqu’à Lhassa, et dont elle reviendra avec un fils adoptif, le lama Yapur Yongden, qui la rendra célèbre. En 1911, avant de partir, elle était revenue au musée Guimet. En 1926, elle y donne une conférence sur le Tibet, qui remporte un succès triomphal, ainsi qu’elle l’écrit à son mari (qu’elle retrouve après 14 ans d’une séparation qui ne devait initialement durer que quelques mois). A 100 ans, alors que sa fin est proche, elle se souvient encore du musée Guimet et, depuis sa maison de Digne-les-Bains, adresse une émouvante lettre à sa directrice, Jeannine Auboyer. En 1970, le musée recevra en legs tous ses ouvrages tibétains, huit peintures et deux masques de danse rituelle.
Peinture tibétaine du 18e siècle, legs Alexandra David-Néel
Ces œuvres ont été exposées ensemble au musée Guimet en 2017, puis à Digne en 2019, dans un musée fraichement rénové sur le terrain de sa maison, elle aussi restaurée. Le musée Guimet a, en effet, entamé une collaboration avec cette institution et, en juin 2020, y présentera une nouvelle série d’œuvres, consacrées à la représentation féminine dans l’art tibétain, en mémoire d’un autre visage d’A. David-Néel, celui de la féministe militante.
Illustration d’en-tête : Alexandra David-Néel (au centre) devant le Potala à Lhassa en 1924