La réplique du mandala sculpté du Toji, est de nouveau présentée au MNAAG, comme le point d’orgue de l’exposition Enquêtes Vagabondes, le voyage illustré d’Émile Guimet en Asie. Retour sur la découverte et l’histoire de cet ensemble sculpté indissociable de la vie du musée et du périple d’Émile Guimet en Asie.
Conçu comme un regroupement cohérent de divinités agencées selon un plan centré et orienté – que celles-ci soient peintes sur une bannière ou, comme ici, sculptées en ronde bosse –, le mandala permet au fidèle de progresser dans ses accomplissements religieux. C’est à la faveur d’une visite qu’Émile Guimet rendit au temple du Tôji de Kyoto, dans la seconde quinzaine d’octobre 1876, que celui-ci fut frappé par le caractère exemplaire d’un impressionnant ensemble de statues, précisément organisées en un vaste mandala, occupant la salle de Prédication du temple. Le génie d’Émile Guimet est certainement d’avoir su saisir, à travers les explications fournies par les moines attachés à la visite, l’importance de cet ensemble « en tant que figuration représentative de la pensée et de la liturgie de l’école Shingon » (Frank 1991, p. 166). L’intellectuel cède alors le pas à l’homme d’entreprise et Guimet commande aussitôt une réplique de cet ensemble dont il est d’emblée persuadé qu’il constituera le point d’orgue de sa collection. L’abbé du Tôji confie cette mission à Yamamoto Yosuke, sculpteur de Masuyachô, chargé de réaliser les pièces à échelle réduite – l’original se déploie en effet sur près de 35 mètres de long. De manière paradoxale, l’ensemble ne sera pas une copie fidèle des iconographies qui avaient tant frappé Émile Guimet.
À l’origine constitué de vingt et une statues, le mandala du musée comprendra vingt-trois pièces : deux oeuvres n’ayant pas été reproduites, et quatre autres ajoutées. Sans doute faut-il y voir la touche personnelle de l’abbé du Tôji désireux de marquer de son empreinte une entreprise aussi originale. Elle témoigne également du caractère vivant et spéculatif du bouddhisme japonais de cette époque. Quoi qu’il en soit, le mandala du Tôji sera le « clou » de la participation d’Émile Guimet à l’Exposition universelle de 1878. Il sera la pièce maîtresse des musées Guimet de Lyon et de Paris, installé dans le pavillon central de l’étage noble, sous une mezzanine baignée d’un éclairage zénithal, selon une mise en scène théâtrale conçue pour lui.
Après avoir traversé une longue période d’oubli, jusqu’au milieu des années 1980, il bénéficie alors d’une première remise en état pour les galeries du Panthéon bouddhique de l’hôtel d’Heidelbach, à l’initiative de Bernard Frank (1927-1996) et de Jean-François Jarrige (1940-2014), avant d’être récemment restauré, de façon plus complète, afin de réintégrer les galeries du Musée national des arts asiatiques – Guimet.
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Par Pierre-Baptiste, extrait du catalogue Enquêtes vagabondes, le voyage illustré d’Émile Guimet en Asie.
Découvrez quelques images de l’exceptionnelle restauration de cet ensemble de 23 statues, qui constitue le point d’orgue de l’exposition Enquêtes Vagabondes, le voyage illustré d’Émile Guimet en Asie.
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Visuels :
Yamamoto Yosuke, Réplique du mandala sculpté du Tôji, Japon, ère Meiji, bois polychrome, laqué et doré, parures de métal, incrustation de, verre. © Thierry Ollivier
Félix Régamey, Exposition universelle – Les Galeries rétrospectives étrangères au Trocadéro – l’Inde, la Chine et le Japon, 1878, crayon et gouache sur papier
Anonyme, Salle centrale du premier étage de la galerie Boissière du musée Guimet à Paris, vers 1890-1910, négatif sur plaque de verre numérisé et transformé en positif