Dans le domaine de la céramique contemporaine japonaise, les femmes occupent une place prépondérante. Ces artistes accèdent à la pratique de la céramique grâce aux formations qui leur sont ouvertes dans les écoles d’art seulement après la Seconde Guerre mondiale, en 1945 pour l’université des arts de Kyoto, en 1952 pour celle de Tokyo. Après des siècles d’interdit, les femmes ont dès lors « accès au feu ».

Ono Hakuko appartenait à cette première génération. Son œuvre est notamment célébrée pour sa maîtrise et son emploi poétique du yuri-kinsai, feuille d’or découpée et incisée, appliquée sous plusieurs couches de glaçure, conférant une profondeur exceptionnelle à ses pièces aux formes très pures. Les années 1950 ouvrent la voie au mouvement sculptural de « céramiques-objets ». Katsumata Chieko et Ogawa Machiko sont parmi les représentantes les plus talentueuses de cette sensibilité.

Les plus jeunes, Fukumoto Fuku et Hitomi Hosono, renouent avec la porcelaine, ce retour aux matières lisses traduisant la sensualité et la délicatesse de leur perception.

Le MNAAG a fait de l’illustration de cette scène très dynamique un axe majeur de ses acquisitions et entend ainsi rendre un hommage aux femmes artistes d’Asie.  

Ono Hakuko, Vase

Ono Hakuko est considérée comme une des deux figures historiques de l’émergence de la céramique contemporaine japonaise avec Tsuboi Asuka. Distinguée par le prix de la Japan Ceramic Society pour son utilisation de la technique du Yuri-kinsai (feuille d’or sous glaçure), elle a été faite Bien Culturel intangible de la préfecture de Saga en 1992. Née dans une famille de potier, elle apprend le Yuri-kinsai auprès de Kato Hajime, Trésor national vivant (1900-1968) à partir de 1964. Technique complexe consistant en une suite d’opérations nécessitant trois cuissons successives, le Yuri-kinsai s’inscrit dans la séculaire maîtrise du travail de la feuille d’or au Japon, en renouvelant totalement l’usage. Les œuvres ainsi créées montrent des décors aux effets subtils qui apparaissent sur des formes très pures grâce à la profondeur exceptionnelle des glaçures.

Hitomi Hosono,  Zenmai  (Fougères)

Hitomi Hosono, naît en 1979 dans le département de Gifu, région qui abrite des centres importants de céramique depuis la période médiévale. Elle étudie la céramique à Kanazawa, à Copenhague puis à Londres, où elle réside aujourd’hui. Son parcours est emblématique de l’internationalisation croissante de la création contemporaine japonaise. De la tradition japonaise, elle garde le goût de « transcrire la beauté infinie et complexe d’une plante » ainsi qu’elle le déclare, par l’application un à un des éléments végétaux sur la surface du vase, avec une minutie et une patience singulières.

Katsumata Chieko, Akoda (potiron)

Les « céramiques-objets » produites par Katsumata Chieko sont profondément organiques. Formée à Paris au début des années 1970, elle développe pleinement son style à son retour au Japon en 1978. Consistant en l’application patiente de glaçures colorées à travers un fin linge, parfois abrasées puis recouvertes à nouveau, ses recherches la mènent à la création d’un épiderme vivant sur des formes extrêmement mouvementées, qui se referment sur elles-mêmes telles des madrépores. La pièce est cuite plusieurs fois et chaque cuisson suivie de nouvelles applications de glaçure colorées. Son travail évoque aussi les coraux, notamment pour les pièces recouvertes de chamotte et ensuite d’une glaçure iridescente intense.

Futamura Yoshimi, Rebirth

Rebirth est une des pièces les plus sculpturales et les plus monumentales créées par Futamura Yoshimi. Son inspiration doit beaucoup à son lien avec les arbres et elle développe une thématique liée à la mémoire et à la terre. On a pu dire de ses « vasques » – elle aussi insistant sur l’espace intérieur, enclos – qu’elles étaient des « vanités modernes ». La poésie tellurique de son travail retient tant par les jeux sur le volume que par la subtilité des « accidents » de la matière qui couvre incomplètement la surface, comme celle d’un tronc sous la neige.

Fukumoto Fuku, Nuage

Fuku FUKUMOTO (née en 1973), Nuage, Japon, 2017, biscuit de porcelaine, achat, 2018, MA 12980

Une des figures les plus importantes de la deuxième génération de céramistes femmes, Fukumoto Fuku tire son inspiration du ciel : lune, soleil et étoile. Née et formée à Kyoto, elle incarne également un courant fort de la céramique japonaise actuelle, à savoir le retour aux matières lisses, la porcelaine y jouant un grand rôle. Le blanc irradiant du biscuit de porcelaine est parfois abandonné au profit de l’emploi de glaçures subtilement colorées, évoquant les qingbai ou des teintes légèrement poudrées. Elle laisse la matière commander durant le temps du façonnage ou le hasard n’est ainsi pas combattu.