Zhang Daqian est né à Neijiang dans le Sichuan. Ayant grandi dans une famille de peintres, il reçut une formation picturale dès son plus jeune âge. De 1917 à 1919, il étudia le design industriel du textile au Japon. De retour en Chine, il s’établit à Shanghai, où il étudia la calligraphie auprès de Zeng Xi (1861-1930) et Li Ruiqing (1867-1920).

Ces maîtres l’introduisirent à l’œuvre de Shitao, qui allait devenir, avec les autres moines peintres, l’un de ses modèles privilégiés. À cette époque, il expose régulièrement à Shanghai et multiplie les voyages dans les sites célèbres, comme le Huangshan. Dans les années 1930, il s’installe à Suzhou, puis à Pékin : son œuvre de peintre est reconnue dans toute la Chine. En 1938, il quitte la capitale et se réfugie au Sichuan. De 1941 à 1943, il séjourne à Dunhuang où il réalise des copies des peintures murales bouddhiques du sanctuaire. En 1949, Zhang Daqian quitte la Chine. Au cours de cours de cet exil de plus de trente ans, il séjourne successivement en Inde, à Hong Kong, en Argentine, au Brésil, aux États-unis et à Taïwan. Ses expositions et ses voyages de par le monde, favorisèrent le rayonnement de son œuvre, qui devait se renouveler à partir de la fin des années 1950, grâce à l’élaboration d’une technique d’encre et de couleurs éclaboussées pomo pocai, dont la Dame de la Xiang est une illustration.

Le thème de la Dame de la Xiang est inspiré du grand poème de Qu Yuan (340-278 av. J.-C.), les Neuf chants, Jiu Ge. La Dame de la Xiang est l’une des épouses du mythique empereur Shun, mort près de la rivière Xiang. Les représentations des Neuf chants sous la forme de longs rouleaux narratifs est une tradition ancienne, notamment illustrée par Zhang Wo (1340-1365). Si Zhang Daqian s’est à l’occasion inspiré de Zhang Wo, l’œuvre du musée Guimet se rattache également à une autre tradition qui tend à isoler la figure de la Dame de la Xiang pour la figurer entourée de feuilles dans un espace neutre. Ce motif renvoie directement à un passage du texte allégorique de Qu Yuan évoquant « les feuilles de l’Automne qui tombent sur le lac Dongting ».

Si le thème a été brillamment illustré par Ren Xiong (1823-1857) au 19e siècle et développé par Fu Baoshi (1904-1965) au20e siècle, Zhang Daqian se distingue de ces deux maîtres. Par la réalisation d’un espace suggestif fait d’encre et de couleurs éclaboussées il entoure la figure féminine dont la pâle silhouette, laissée en réserve, exprime une tristesse contenue qui fait écho à l’accent nostalgique de ce vers de Qu Yuan.