Le Nâgarâja « roi-serpent » se situe dans la tradition indienne célébrant les cultes des génies de la nature. La divinité est représentée sous une forme composite, mi-homme, mi-animal : une série d’anneaux reptiliens constituent le dos, la tête humaine, ainsi que celle du serpent manquent. Les capuchons multiples d’un cobra polycéphale surmontaient autrefois la tête du personnage. En Inde, les reptiles « gardiens des trésors souterrains » sont réputés apporter la pluie ; aussi le bras droit de la déité, aujourd’hui disparu, était-il tendu vers le ciel afin d’appeler l’ondée fertilisante. Sa main gauche ramenée sur sa poitrine, tenait vraisemblablement une coupe ou un calice pour recueillir l’eau de pluie.
Stylistiquement, cette figure répond à toutes les caractéristiques de l’école de Mathurâ à l’époque Kouchane (Ier-IIIe siècle de notre ère) : le corps, au modelé vigoureux dans la position du tribhanga (triple flexion), les hanches ceintes d’une dhotî transparente maintenue par une large ceinture d’étoffe, le traitement naturaliste de l’abdomen, la guirlande de fleurs autour du cou de la divinité évoquant les colliers dont les fidèles honorent les statues des dieux, l’impression de mouvement accentuée par l’avancée du genou droit et par le traitement de la ceinture.
Située au nord de l’Inde, l’école de sculpture qui se développa à Mathurâ, sans interruption depuis le IIIe siècle avant notre ère jusqu’aux environs de la période médiévale, est une des plus florissantes. Elle s’épanouit surtout sous la domination de la dynastie Kouchane, et plus particulièrement pendant le règne de l’empereur Kanishka, puissant souverain et fervent bouddhiste. L’impulsion que ce style donna aux créations postérieures est considérable, car il prépare à la formation de l’art gupta (IVe -VIe siècle), considéré comme « l’âge d’or » de l’Inde.