Théoriquement déployés dans les trois dimensions de l’espace, les mandala peints sur textile (généralement du coton, plus rarement de la soie) apparaissent sous le jour de diagrammes géométriques, centrés et orientés selon les points cardinaux. Au Tibet, ces œuvres sont traditionnellement cousues sur un montage textile qui leur fournit un encadrement à deux ou quatre bandes, en fonction de leur période de création. Des baguettes disposées au sommet et au bas du montage permettent de rouler les peintures lorsqu’on ne les utilise pas.
Le bouddhisme tantrique, que l’on connaît aussi sous le nom de vajrayana (« véhicule de Diamant »), est un courant religieux de nature ésotérique ; il se fonde sur un rapport initiatique d’enseignant à disciple dans la voie de la compréhension de la doctrine. Guidé dans sa démarche par un maître spirituel, le pratiquant, qu’il soit novice ou moine déjà expérimenté, franchit progressivement les différentes enceintes du mandala avant de se visualiser lui-même sous l’aspect de la divinité centrale et ainsi épurer sa perception du monde des phénomènes en vue d’atteindre le pur « Esprit d’Éveil ».
Dans un cheminement allant de l’extérieur vers l’intérieur, on pénètre dans le mandala par l’Est, au bas de la peinture. L’adepte poursuit son parcours dans le sens des aiguilles d’une montre au sein des enceintes concentriques correspondant chacune à un niveau de spiritualité toujours plus élevé. Peuplées de nombreux personnages (aspects secondaires de la divinité principale, membres de son entourage, déités protectrices et gardiennes), ces enceintes conduisent au centre de la composition où se tient la divinité souveraine du mandala.
Le dieu tutélaire Hevajra apparaît ici sous son aspect Buddhakapaladhara « Porteur de la calotte crânienne du Bouddha ». De carnation bleue et doté de quatre bras, il danse sur un cadavre en brandissant ses attributs : le couperet, la coupe crânienne, le tambourin et le sceptre magique. Le peintre a ici restitué de manière très détaillée les caractéristiques effrayantes sur lesquelles insistent les textes décrivant Buddhakapala : expression farouche, yeux exorbités, vêtement en peau de tigre, parure d’ossements, guirlande de têtes fraichement coupées, etc. Caractéristique de l’imagerie déployée dans les mandala consacrés à des divinités courroucées, l’un des cercles de protection extérieurs est occupé par les huit cimetières ou charniers symbolisant l’impermanence des phénomènes et la vanité des attachements.