Le musée Guimet enrichit ses collections tibétaines, indiennes et japonaises
Le musée a fait l’acquisition d’un thangka tibétain représentant Yama Dharmaraja, datable de la fin du 16ᵉ ou du début du 17ᵉ siècle et probablement réalisé pour un monastère de l’école gelug au Tibet central.
Dans le bouddhisme vajrayana, Yama, appelé aussi Yamaraja « le Seigneur de la mort », est associé au passage entre les vies et au jugement des défunts pendant le bardo, l’intervalle entre mort et renaissance.
Dans ce thangka récemment acquis par le musée Guimet, le dieu apparaît sous son aspect de Dharmaraja, « le Seigneur du dharma », protecteur de l’enseignement du Bouddha et défenseur des pratiquants.
L’œuvre se distingue par la finesse de son exécution : sûreté du trait, maîtrise des pigments et détails minutieux des paysages en arrière-plan ; et permet d’illustrer avec éclat un thème iconographique important dans la peinture du Tibet, thème jusqu’ici représenté dans les collections du musée Guimet par des exemples plus tardifs et de moindre qualité.
Yama Dharmaraja et Chamunda, Tibet central, fin 16e – première moitié du 17e siècle, détrempe sur coton, rehauts d’or, H. 77 cm ; L. 57 cm, Photo © Carlo Cristi
Le musée Guimet conserve depuis 1960 une miniature moghole majeure, acquise lors de la célèbre vente Sevadjian et communément appelée Astrologue et saints personnages, attribuée avec certitude au grand peintre de cour Govardhan (1596-1645). Cette œuvre, devenue l’un des fleurons des collections indiennes, représente un astrologue à longue barbe blanche assis sous un auvent de chaume, un grand livre ouvert entre les mains, et trois de ses compagnons ou acolytes, tous saisis dans des postures diverses et étudiées.
Astrologue et saints personnages, Page du Late Shâh Jahân Album, attribué à Govardhan, école moghole, vers 1630-1635, gouache et or sur papier, H. 20,5 x L.14,7 cm (peinture) ; 38,2 X 26,5 cm (page d’album), Musée Guimet. Achat, 1960, MA 2471
L’esquisse récemment acquise, provenant de la collection de James Ivory, offre un aperçu unique du processus créatif de Govardhan. Peintre de la vie mystique et des portraits collectifs d’ascètes et de saints personnages, Govardhan était reconnu pour la subtilité de ses portraits et la précision de son modelé, acquises grâce à l’étude des gravures européennes diffusées à l’atelier impérial.
Esquisse ou poncif pour Astrologue et saints personnages (peinture attribuée à Govardhan), Vers 1630 – 1635, Encre sur papier, H. 22,1 x L. 15,2 cm, don de James Ivory, acquis par James Ivory avant 1960
Puis, des rouleaux peints japonais de la fin du 17ᵉ - début du 18ᵉ siècle rejoignent nos collections Japon.
Le triptyque de kakémonos, signé par Kanô Tanshin (1653-1718), peintre officiel du shôgun et figure majeure de l'école Kanô, illustre la célèbre scène de Takasago, la plus jouée du théâtre nô. Le couple de vieillards et le pin, symboles de longévité et d'union harmonieuse, y sont représentés dans une composition douce et raffinée.
Destinés à être présentés dans un tokonoma (alcôve), ces kakémonos s’inscrivent dans le contexte culturel de la noblesse guerrière, grand mécène du théâtre nô. Cette acquisition constitue un témoignage majeur de l’art de cour japonais et du rôle central de l’école Kanô, la plus grande école de peinture à l’époque d’Edo, qui fournissait les peintres officiels du shogunat.
Takasago, triptyque de kakémonos et sa boîte, Kanô Tanshin (1653-1718) , Japon, Époque d’Edo (1603-1615), fin du 17e – début du 18e siècle, encre et couleurs sur soie, H. 190 x L. 54 (chaque peinture)
Le kakémono Paysage d'Hiver de Kanô Tansetsu (1655-1714), frère de Tanshin et peintre éminent de la même école, réalisé à l'encre rehaussée de couleurs légères sur soie, représente un paysage d'hiver dans le style chinois. Cette oeuvre illustre le thème classique dans la peinture japonaise de style chinois (kanga) d'un paysage dont les différents éléments sont répartis sur trois registres qui rendent l'échelonnement des plans. Le rouleau est conservé dans une boîte ancienne portant une inscription identifiant l’œuvre comme un paysage (sansui) de sa main.
Paysage d’hiver, Kanô Tansetsu (1655-1714) , Japon, Époque d’Edo (1603-1615), fin du 17e – début du 18e siècle, encre et couleurs sur soie, H. 190 x L. 54
Enfin, une bouilloire (tetsubin) en fonte, caractéristique de celles fabriquées à Kyôto dans l'atelier Kinjudô, vient enrichir nos collections. Lieu important de production d'objets en métal, en particulier en fonte, à l'époque de Meiji (1868-1912) et sous l'ère Taishô (1912-1926), l’atelier Kinjudô a compté dans ses rangs plusieurs artistes importants, comme Amemiya So, l'auteur de cette pièce.
Son style, empreint de modernité, s’inscrit dans un mouvement de retour aux formes simples et aux matériaux bruts qui traverse une partie de la création artistique japonaise à la fin du 19e siècle et dans la première moitié du 20e siècle. Les bouilloires en fonte sont généralement utilisées lors de la cérémonie du thé pour chauffer l’eau nécessaire à la préparation du thé. Elles peuvent également servir d’objet décoratif et peuvent faire l’objet de cadeau, comme c’est le cas pour cette présente théière.
Peu de bouilloires en fonte de l'ère Meiji (1868-1912) ou Taishô (1912-1926) sont conservées dans les collections publiques.
Bouilloire, Amemiya So, atelier Kinjudô , Japon Ere Taishô (1912-1926), 1919 Fonte de fer, H. 12,5 (20,2 avec l’anse) x L. 16 x l. 14,5 cm