estampe d'Utamaro

S'amuser avec les images dans le Japon des 18e et 19e siècle

Le plaisir des émotions fortes et du divertissement a été servi par une extraordinaire inventivité dans les arts graphiques japonais bien avant les mangas. Trois spécialistes en révèlent certains aspects observés dans les livres illustrés et les estampes, les rouleaux peints et les feuilles d’album. 

 

Dieux, sages et rois à contre-emploi

Le rouleau humoristique de Kanô Tamenobu peint à la fin 17e ou au début du 18e siècle à l’adresse d’un aristocrate guerrier présente, en une succession de saynètes, des personnages de haute vertu dans des situations incongrues. Derrière la simplicité apparente des images, le peintre a joué avec des références littéraires et religieuses savantes. 
Estelle Bauer, docteur HDR en histoire de l’art japonais, conservatrice en charge des collections japonaises au musée Guimet, est co-commissaire de l’exposition Manga. Tout un art ! 

La bulle dans tous ses états

On n’imagine pas un manga sans bulle entourant les paroles prononcées par les personnages. Au cours de l’histoire toutefois, la bulle a endossé d’autres rôles. Dans nombre de représentations des 18e et 19e siècles, elle contient une image et non du texte, et prend sa source ailleurs que dans la bouche d’un personnage. Elle sert avant tout à ouvrir sur un autre monde. Marianne Simon-Oikawa montrera comment les mangakas d’aujourd’hui jouent encore de cette plasticité.
Marianne Simon-Oikawa est professeure d’études japonaises à université Paris-Cité, membre du Centre de recherches sur les civilisations de l’Asie orientale (CRCAO) ainsi que du Centre d’étude de l’écriture (CEEI). Ses travaux portent principalement sur la culture visuelle japonaise, les usages ludiques de l'écriture et les relations entre le texte et l’image en France et au Japon.

Métafictions d’Edo

Et si le rire visait la fabrique du livre elle-même ? Les fictions illustrées (kibyôshi) des années 1770-1790 inventent un humour réflexif qui tourne en dérision autant les intrigues que les gens du métier. Préfaces d’autopromotion, auteurs à masques multiples, éditeurs avides de profits : la métafiction devient une scène où l’on joue avec les codes du récit et l’on étrille joyeusement le nouveau marché du rire imprimé.
Nicolas Mollard est professeur en études japonaises à l’Inalco et membre de l’Institut français de recherche sur l’Asie de l’Est. Il est spécialiste de l’histoire littéraire et intellectuelle du Japon au 19esiècle. Il a notamment traduit Kôda Rohan (La pagode à cinq étages et autres récits, Les Belles Lettres, 2009) et codirigé avec Matthias Hayek une édition critique de la flore illustrée d’Iwasaki Kan'en (Honzô zufu, 6 vol., Citadelles & Mazenod, 2025).


 

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