D’octobre 2016 à mars 2017, le comité de sélection interne au musée associant agents d’accueil et de surveillance, administratifs, personnel de la librairie, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes a lu, partagé, débattu, s’est réuni et a finalement arrêté une liste de huit ouvrages transmise à un jury.
Pour sa première édition, le prix Émile Guimet de littérature asiatique a eu le plaisir d’offrir la présidence du jury à l’écrivain et scénariste Jean-Claude Carrière. Il a été secondé dans sa tâche d’élire le premier récipiendaire du prix par :
Sophie Makariou, présidente du MNAAG
Valérie Vesque-Jeancard, déléguée générale de la RMN-GP
Emmanuel Lozerand, professeur de langue et littérature japonaise, responsable de la collection Japon aux éditions des Belles Lettres
Danielle Elisseeff, sinologue
Elisabeth Lesne, éditrice
Xavier Monthéard, responsable édition et correction au Monde Diplomatique
Hélène Salat, libraire à la librairie des Voyageurs du Monde
Le jury avait la responsabilité de désigner un gagnant parmi les huit livres suivants :
Celui qui revient, Han Kang, Corée du Sud, Serpent à Plumes éditeur, traduit du coréen par Jeong Eun-jin et Jacques Batilliot
« Mai 1980, une junte militaire a pris le pouvoir en Corée du sud quelques mois plus tôt. Après une spectaculaire manifestation d’opposants à Séoul, la ville de Gwangju se mobilise à son tour. Face à la répression, elle se soulève, portée par le mouvement étudiant et syndical pour la démocratie. La répression menée par l’armée est féroce, les civils, la foule, la jeunesse deviennent des cibles. Dans la ville ensanglantée, un jeune garçon erre, à la recherche de ses camarades. Dans une maison d’édition, une jeune femme travaille sur un texte censuré. Dans le présent, des rescapés se souviennent. Et toutes ces âmes tourmentées demandent à trouver la paix. Sur une trame historique encore douloureuse, dans le style pur et éthéré empreint de bouddhisme qui lui est propre, la romancière Han Kang se positionne face à la résurgence d’une certaine idéologie autoritaire et rend hommage aux martyrs de la démocratie coréenne. »
Delhi Capitale, Rana Dasgupta, Inde, Buchet Chastel éditeur, traduit de l’anglais par Bernard Turle
« Delhi Capitale est un récit puissant et lyrique qui embrasse à la fois les origines et les implications de l’explosion urbanistique et démographique de Delhi. De capitale à capitalisme il n’y a qu’un pas, et c’est cette métaphore que file avec érudition et talent Rana Dasgupta : il dresse ici un portrait saisissant de la mégapole, et de l’arrogante classe aisée qui la domine aujourd’hui. Mais Dasgupta s’aventure aussi au-delà de ce portrait socio-économique et c’est en écrivain qu’il interroge la violence – réelle, symbolique – au cœur du processus de croissance gigantesque et imparable qui travaille sans relâche la capitale indienne. À la fois balade littéraire et réflexion philosophique, Delhi Capitale se démarque très nettement des récits de voyage comme des pamphlets militants pour développer une complexité de réflexion aussi vertigineuse que les espaces urbains évoqués. »
L’échelle de Jacob, Gong Ji-young, Corée du Sud, Picquier éditeur, traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Mélanie Basnel
« Dix ans plus tard, frère Jean se remémore l’année qui a bouleversé sa vie. A cette époque-là, il avait vingt-huit ans et vivait dans une abbaye bénédictine en Corée du Sud, décidé à consacrer son existence à Dieu. Mais tout va être remis en question : il va connaître les vertiges et les tourments de l’amour humain, la mort atroce de deux frères, la révélation d’un tragique secret de famille. En décembre 1950, dans des conditions effroyables, le commandant d’un navire américain réussit à sauver des milliers de réfugiés de la mort. L’échelle de corde qui leur permet de monter à bord est pour eux comme « une échelle montant au ciel depuis le fond des enfers ». Et cette histoire vraie que lui rapporte sa grand-mère, car elle fut l’un de ces réfugiés, sera pour frère Jean une clef pour se réconcilier avec lui-même, les hommes, et le ciel. »
Lala Pipo, Hideo Okuda, Japon, Wombat éditeur, traduit du japonais par Patrick Honnoré et Maeda Yukari
« Suivant les destins croisés de six personnages, ce roman polyphonique de l’auteur des Remèdes du docteur Irabu nous plonge dans la « petite industrie » du sexe à Tôkyô. Six personnages rongés par la solitude voient ainsi leurs destins s’entrecroiser à Tôkyô. Qu’elle soit motivée par la nécessité, la curiosité ou l’envie, leur sexualité souvent pathétique, voire grotesque, reflète une recherche désespérée du contact humain dans la vaste métropole anonyme. En mettant en écho ces six tranches de vie tragicomiques, Lala Pipo tisse un roman polyphonique, où chacun agit comme miroir de l’autre, d’un réalisme cru, parfois dérangeant, mais toujours empreint de compassion et d’humour. »
Le Dit du Loriot, Su Tong, Chine, Seuil éditeur, traduit du mandarin par François Sastourné
« Dans une ville du sud de la Chine, autour des années 1980, Grand-père creuse la terre pour retrouver son âme perdue, jusqu’à être interné.
Trois adolescents, Baorun, garçon balourd qui vit chichement avec Grand-père, Liu Sheng, séducteur et magouilleur, et Princesse, jolie orpheline colérique se croisent et se chamaillent tout en veillant, à leur manière, sur Grand-père. Ces trois-là ne profiteront pas bien longtemps de leurs vertes années : à l’issue d’une série de rendez-vous calamiteux, les deux garçons épris de Princesse la violentent. Dix ans plus tard leurs destins n’en finissent pas de se mêler, ravivant amours, anciennes blessures et fantômes du passé…. L’espoir et l’illusion qu’ils tentent de faire renaître pourront-ils vaincre la fatalité ? Seul un Grand-père qui a perdu la raison peut le dire.
Le jardin des brumes du soir, Tan Twen Eng, Malaisie, Flammarion éditeur, traduit de l’anglais par Philippe Giraudon
« Quelques années après la Seconde Guerre mondiale, la juge Teoh Yun Ling rend visite à l’ancien jardinier de l’empereur du Japon dans les montagnes de Malaisie. Elle vient honorer la promesse faite à sa sœur morte dans les camps japonais : créer un jardin à sa mémoire, le Jardin des brumes du soir. Tandis que l’insurrection communiste fait rage dans le pays, des liens se nouent entre ces deux êtres, le maître et l’élève, que la vie aurait dû irrémédiablement séparer.
Roman de l’affrontement entre la barbarie et la civilisation, Le Jardin des brumes du soir est une véritable quête identitaire et poétique qui résiste au chaos de la guerre. »
Nana à l’aube, Park Hyoung-su, Corée du Sud, Decrescenzo éditeur, traduit du coréen par Fabien Bartkowiak et Jeong Hyun-joo
« Léo, un jeune Coréen tout droit sorti de l’Université, décide de faire un voyage à travers le monde grâce à ses économies. L’une de ses étapes est Bangkok. Lorsqu’il arrive à Sukhumvit Soy 16, dit Nana, un quartier chaud de la capitale thaïlandaise, il perçoit d’étranges images à travers le visage des gens. Le soir de Noël, il fait la rencontre de Ploy. Il croît avoir trouvé en elle son âme-sœur d’avec laquelle il a été séparé depuis des siècles, selon sa vision à travers le visage de la jeune prostituée. Lorsque Léo revient chez Ploy, absente, Léo se trouve confronté à un dilemme, marcher sur le lézard qui l’interpelle et discute philosophie avec lui, ou bien perdre l’équilibre et dégringoler les escaliers. Il choisira la deuxième option et se verra immobilisé, la cheville cassée, pendant plusieurs semaines. Il passera tout ce temps dans la pièce crasseuse des prostituées et commencera à en faire partie, tout comme le modeste mobilier. »
Une famille à l’ancienne, Chôn Myônggwan, Corée du Sud, Actes Sud éditeur, traduit par Patrick Maurus
« Dans cette famille-là, tout dysfonctionne : les trois enfants quinquas rentrent chez leur mère ! Tous sont plus ratés les uns que les autres, mère comprise. Le narrateur est l’auteur du plus mauvais film de l’histoire du cinéma et tente de s’en sortir grâce au porno, tandis que frère et sœur oscillent entre délinquance et prostitution. C’est qu’il leur faut tirer les conséquences de ce consensus exigé de tous par le nationalisme, qui a donné naissance à une société sans questions où tout est à réinventer, mais sans illusions. Et ces pitoyables Pieds Nickelés vont se révéler de véritables héros de la vie quotidienne. »