Le musée présente depuis le 5 avril 2019 sa dernière acquisition, une porte en ivoire à décor de scènes galantes, acquise grâce à la fondation Al Thani.
De nombreuses mentions, relevées dans les textes anciens de l’Inde – et jusque dans les témoignages plus récents de voyageurs européens, tel le Portugais Domingo Paes décrivant en 1522 l’une des salles « entièrement décorée d’ivoire » du palais royal de Vijayanagar – font état des usages variés de l’ivoire, lequel était utilisé tant pour la confection de petits objets (peignes, sandales, coffrets à bijoux ou à cosmétiques, poires à poudre, etc.) que dans le décor mobilier (palanquins, lits, trônes et pieds de trône) ou même architectural. Si l’on connaît aujourd’hui des palanquins ou des howdahs en ivoire ou en marqueterie d’ivoire et quelques rares exemples de sièges entièrement constitués de plaques d’ivoire sculptées (Inde du Sud, vers 1820-1830), seules deux portes en ivoire sont attestées – dont l’une, présumée provenir de l’ancien palais royal de Mysore (détruit par un incendie en 1897), a été depuis lors démantelée et les huit panneaux sculptés dont elle était ornée dispersés dans diverses collections publiques et privées.

Porte en ivoire, Inde du Sud, probablement Mysore. XVIIIe-XIXe siècle; revêtement de plaques d’ivoire sculptées sur panneau de bois. © RMN Grand-Palais (MNAAG, Paris), Thierry Olivier.
C’est assez dire le caractère exceptionnel de l’impressionnante porte en ivoire acquise grâce à la Fondation Al Thani et dont les huit panneaux historiés, enchâssés au sein de frises et de rosettes finement ouvragées, figurent des personnages royaux ou princiers se livrant, en galante compagnie, à divers jeux amoureux. Le caractère chastement érotique des huit scènes représentées s’inscrit pleinement dans le répertoire iconographique des ivoires de l’Inde méridionale et contraste avec l’érotisme plus cru caractérisant notamment, dès le XIIIe siècle, les ivoires de l’Orissa. Quant au turban de style marathe arboré par cinq des huit protagonistes masculins – et dont le port ne se répandit en Inde du Sud que dans les dernières décennies du XVIIe siècle –, il constitue un terminus post quem permettant de dater du XVIIIe siècle, voire du tout début du 19e siècle, le décor de la porte. Parfaitement représentative de l’opulence décorative des palais indiens, cette spectaculaire porte en ivoire manifeste également, non sans éclat, l’extraordinaire virtuosité des ivoiriers de l’Inde – virtuosité attestée tout au long des siècles et dont le remarquable ensemble d’ivoires gravés et sculptés du « trésor de Begram » (Ier siècle) constitue assurément le témoignage le plus ancien et le plus précieux.
Porte en ivoire (détail), Inde du Sud, probablement Mysore. XVIIIe-XIXe siècle; revêtement de plaques d’ivoire sculptées sur panneau de bois. © RMN Grand-Palais (MNAAG, Paris), Thierry Olivier.