Ce masque de théâtre Gigaku représente Karura, un oiseau divin de la mythologie indienne qui a été introduit dans le panthéon bouddhique japonais comme l’une des huit divinités protectrices de la religion. L’apparence féroce de cet oiseau de proie est accentuée par un long bec crochu tenant une perle et encadré par des plumes rouges ; il possédait également une crête qui a aujourd’hui disparu. Ces masques, par leurs éléments stylistiques et iconographiques ne montrent pas seulement l’influence de la Chine mais aussi celle de l’Asie centrale et peut-être de la Grèce.
Sculpté en bois de paulownia, ce masque recouvrait le visage de l’acteur. Des traces de pigmentation rouges et vertes indiquent que cette pièce était à l’origine peinte de couleurs vives qui devaient accentuer son aspect fantastique. Sa surface externe est recouverte d’une fine couche de gesso puis de laque sur laquelle était appliquée cette polychromie.
Les masques de Gigaku sont aujourd’hui les seuls vestiges d’un art dramatique qui atteint son apogée au Japon au VIIIe siècle. Les représentations du théâtre Gigaku mêlaient le mime, les danses masquées, et la musique, et, en dépit de leur caractère profane, étaient très liées aux rituels des grands temples bouddhiques. Tel est le cas de ce masque qui a été porté pendant les cérémonies de consécration du grand Buddha du Tôdai-ji en 752 (voir l’inscription intérieure).
Il témoigne de la forte influence du bouddhisme étranger à cette époque, transmise par le biais de moines chinois, indiens et sud-asiatiques. Ils arrivèrent alors au Japon, accompagnés d’artistes qui transmettront un répertoire artistique constitué d’emprunts aux différentes cultures de la Route de la Soie. Durant cette époque, le Japon consacra ses efforts intellectuels et politiques à l’assimilation d’une culture continentale dont le bouddhisme constituait la plus représentative institution, et le plus puissant courant de pensée.
D’après H. Bayou.