Cette peinture relate la présentation des chevaux par les envoyés de Qazaq, populations de l’Ouest, comme tribut à l’empereur Qianlong en signe d’allégeance au régime mandchou. Le monarque, dont le visage impassible est traité avec la précision d’une miniature, est assis sur une terrasse devant un paravent, entouré d’une assemblée restreinte. La mise en scène tient plus de la peinture européenne que des traditions de l’Asie orientale. La lecture du rouleau ne se développe effectivement pas en séquences successives, mais plutôt en un développement intégral visant l’illusion optique. Il en va de même pour le réalisme occidental des chevaux, dans la représentation desquels Castiglione excellait, qui apparaissent avec d’autant plus de vigueur que l’environnement paraît dépouillé. Leur modelé est si abouti que les passages dégradés sont indécelables.

La facture du paysage, rochers, arbres, mousses, est indéniablement chinoise, fondée sur des traits d’encre incisifs rehaussés de ponctuations colorées. Les visages sont rendus à l’aide de petites touches contrastées qui font l’objet de prismes de lumière. C’est une technique bien connue en Occident, mais utilisées ici sur un papier à longues fibres ondées, semé de particules de mica, elle prend un éclat exceptionnel.

Conscients de l’hostilité des Chinois, les jésuites cherchent à répandre leur foi mais non à imposer leur culture, aussi s’efforcent-ils de s’adapter aux moeurs du pays, tel est le cas de Castiglione qui adopte les techniques chinoises, tout en respectant un juste milieu entre technique de peinture orientale et occidentale. Observateur privilégié, et homme de synthèse, Castiglione parvient à illustrer les arcanes de la cour mandchoue, où la ruse et la soumission, la domination sont exprimées avec une tendresse humaine. Le rouleau du musée Guimet reste l’un des plus précieux témoins de cet art qui a séduit Qianlong.