Partant pour la chasse, un prince et sa suite tombent sur une étrange assemblée, festive et licencieuse ; s’y mêlent des acrobates avec leurs musiciens, un homme occupé à distiller de l’alcool et un autre préparant une décoction de bhang (cannabis), une femme tenant débit de boissons et proposant aux chalands des coupes d’alcool, et une autre offrant des pipes à eau (hookah) opiacées.
Une assemblée festive et licencieuse, Inde, école moghole provinciale, Farrukhabad, vers 1760-1770, gouache et or sur papier, 54,5 X 41 cm (page) ; 40,5 X 30 cm (peinture), achat, 2020, MA 13109
Aux fenêtres et aux terrasses d’un palais, quelques nobles dames recluses contemplent avec curiosité le spectacle débridé se déroulant à leurs pieds et des couples d’amoureux échangent gestes et propos galants, une coupe à la main.
Cette curieuse peinture tire son originalité du fait qu’elle rassemble, en une seule composition étudiée et parfaitement équilibrée, plusieurs thèmes ou motifs bien connus qui d’ordinaire font l’objet d’un traitement spécifique et singulier : la préparation du bhang, les réunions d’opiomanes, les performances d’acrobates et autres funambules… Toutefois, pour singulière qu’elle soit, la page s’inscrit pleinement dans la production thématique de l’école de Farrukhabad, laquelle privilégie constamment les thèmes hédonistes et l’évocation de loisirs et de divertissements princiers.
La palette, où dominent les tons de jaune, de brun orangé et de gris, est également caractéristique de l’école de Farrukhabad, de même que la physionomie particulière des personnages, notamment des personnages féminins : visages ovales au front fuyant, aux joues pleines, au nez et au menton pointus. Petite dépendance du royaume d’Avadh, sise entre Etawah et Anupshahr, Farrukhabad – sous le règne d’Ahmad Khân Bangash (1750-1771) – vit la naissance d’une école de peinture distincte des écoles voisines de Faizabad et de Lucknow, dotée d’un style propre et d’une palette caractéristique. Moins prolifique que l’école de Lucknow – avec laquelle elle partage toutefois nombre d’affinités stylistiques – et sans atteindre à la notoriété de cette dernière, l’école de Farrukhabad a néanmoins produit des œuvres d’une incontestable originalité – telle cette page.