Sur la terrasse d’un pavillon de marbre blanc surplombant un lac où croissent des lotus, une jeune reine (rani) fume la pipe à eau (huqqa’), adossée contre un gros coussin de brocart. La tête gracieusement inclinée en avant, la jeune femme écoute rêveusement deux musiciennes jouant de leurs instruments.
Le visage empreint de douceur de la jeune reine, aux traits fins et délicats, définit le canon de beauté féminine qui, au 18e siècle, s’imposa comme l’un des traits distinctifs de l’esthétique raffinée des écoles picturales dite « des collines » (pahari) du Pendjab. Le paysage à l’arrière-plan, avec sa perspective cavalière et l’évocation de la nature dans une lumière diffuse et adoucie, sont caractéristiques de l’atmosphère romantique de cette tradition artistique indienne.

Les vêtements portés par les différents personnages de cette séduisante scène de cour illustrent les diverses traditions vestimentaires attestées dans les principautés rajpoutes, où prévalait le plus souvent une mode d’inspiration moghole. Ainsi, l’homme debout derrière les deux musiciennes est vêtu d’une robe à manches longues de style moghol, tombant à mi-mollets, portée sur un pantalon étroit (payjama) qui est souvent taillé dans une étoffe rayée, et maintenue à la taille par une ceinture (patka) aux extrémités brochées d’or. Plus varié, le costume féminin ne se limite pas quant à lui à la seule influence moghole. Cette dernière est néanmoins perceptible dans la mise des quatre suivantes debout derrière la rani, lesquelles sont vêtues du payjama porté avec une sorte de longue pèlerine ou de grand châle, une patka et un voile de tête (odhni).
Dans la tradition picturale pahari, reflet des usages vestimentaires locaux, le vêtement féminin de style moghol semble généralement réservé aux servantes – les reines, les princesses et autres dames de haut rang arborant quant à elles une tenue plus « indienne ». Celle-ci, constituée d’un petit corsage dénudant le ventre et porté sur une ample jupe plissée et que complète l’odhni d’étoffe diaphane recouvrant la tête et parfois le buste, est précisément la tenue adoptée ici par la rani et les deux musiciennes assises à ses pieds.