Ce visage impressionnant de puissance est caractéristique de tout un pan de l’iconographie tibétaine, qui illustre ainsi de manière frappante l’immense énergie que doit déployer la conscience pour affronter et vaincre les obstacles se dressant sur le chemin de la Libération spirituelle.
Masque de danse cham, Tibet, 19e siècle, papier mâché, legs Alexandra David-Néel, 1970, MA 3307
Ce masque fut acquis par la célèbre voyageuse Alexandra David-Néel, lors de ses aventureux périples dans le monde tibétain, qui devaient la mener finalement jusqu’à Lhassa, en 1924. Un autre masque provenant de sa collection est également conservé au musée national des arts asiatiques – Guimet, tandis que plusieurs exemples se trouvent toujours dans sa maison de Digne-les-Bains, transformée en musée.
Les danses bouddhiques masquées, ou cham, au caractère éminemment sacré, constituent un aspect important des rituels du bouddhisme ésotérique himalayen. D’origine très ancienne, elles sont exécutées par des moines, spécialement formés, lors de fêtes importantes qui réunissent dans la cour du monastère moines et fidèles qui se pressent toujours très nombreux à ces cérémonies, aussi belles et colorées que spectaculaires. Ces danses codifiées, exigeant des moines une concentration parfaite, mettent en scène de multiples personnages du panthéon bouddhique, parmi lesquels des déités, aux aspects paisibles ou terribles, selon les cas. Il s’agit pour ces danseurs d’une forme de méditation dynamique, qui s’allie à l’intensité et au caractère dramatique de certaines des scènes évoquées par la danse.
Les masques sont placés haut sur la tête des danseurs et attachés par des cordelettes à l’arrière de celle-ci, protégée par des bandes de tissu, pour éviter qu’ils ne se blessent lorsqu’ils sont en mouvement. C’est par la bouche entrouverte de ces masques que regardent les moines-danseurs, et non par les yeux.
Seul le contexte de la danse permet d’identifier avec certitude le personnage correspondant au masque porté. Néanmoins, pour ce qui concerne cet exemple imposant, l’aspect général du visage, aux traits courroucés, sa couleur bleue, ainsi que les têtes de mort qui ornent son diadème, évoquent plus particulièrement Mahakala, l’un des plus grands dieux protecteurs des pratiquants et des enseignements au sein du bouddhisme ésotérique.