Cette peinture, anciennement identifiée comme « le prodige sous le manguier », l’un des épisodes du miracle de Shravasti, illustre en fait l’enseignement du Bouddha sur le pic des Vautours (Gridhrakuta).

Ce lieu sacré est situé près de Rajagriha, capitale du royaume du Magadha, où le Bouddha séjourna, invité par le roi Bimbisara, un an après son premier sermon. Dans un textemajeur du mahayana, le Sutra du Lotus de la Vraie Loi (Saddharmapundarikasutra),traduit en tibétain au ixe siècle, Shakyamuni rapporte que, bien qu’étant apparemment entré dans le nirvana, il réside éternellement sur le pic des Vautours, Terre Pure peuplée de jardins, d’arbres ornés de joyaux, de fleurs et de fruits abondants. Selon le mahayana, c’est là qu’il enseigna la Prajnaparamita ou Connaissance transcendante, mettant ainsi en mouvement la roue du Dharma pour la deuxième fois. D’après la tradition indo-tibétaine, une version longue fut confiée aux naga, une version médiane conservée parmi les humains, une plus courte remise aux dieux, et une dernière donnée à Vaishravana, pour qu’il la préserve jusqu’à ce que des temps plus favorables adviennent.

Le sermon sur le pic des Vautours, Thangka d’une suite consacrée aux principaux épisodes de la vie du Bouddha, Tibet oriental, seconde moitié du 19e siècle, xylographie peinte sur toile, H. 74 ; L. 45,5 cm (peinture seule), don Jacques Bacot, 1912, MG 16521

Au centre, Shakyamuni trône sous un arbre fleuri et orné de perlages, tenant un lotus épanoui, entouré de moines, de bodhisattva, de déités etde divers êtres non humains. Devant lui, son bol à aumônes, fleuri, repose sur un grand lotus. De part et d’autre de la roue de la Loi (Dharmachakra) posée au sol parmi les joyaux, Indra tient une conque blanche, symbole du son du Dharma, et Brahma une roue, tandis que le farouche Vajrapani, de couleur bleue, agenouillé, brandit un vajra. Un naga et une nagini, à la queue serpentiforme et au capuchon déployé, sont debout à la hauteur du trône, en bordure de l’œuvre. Devant le naga, Vaishravana, dieu des Richesses, de couleur jaune, pose une main sur sa mangouste.

Selon le Sutra du Lotus, seuls les disciples les plus éclairés du Bienheureux furent capables de suivre cet enseignement ésotérique. Ainsi, dans la partie inférieure droite de la composition, observe-t-on un groupe de moines se dirigeant vers le Bienheureux, derrière lequel se profile un stupa. Du côté du ravin qui le sépare du Bouddha et de l’heureux groupe qui va bénéficier de son prêche, un moine, comme à regret, reste assis dans sa solitude. Dans la partie supérieure du thangka, dix images du Bouddha enseignant sur la montagne se déploient parmi les nuages, évoquant peut-être ainsi les dix directions de l’espace et la dimension universelle du Bienheureux, soulignée par le Sutra du Lotus. Au sommet siège la déesse Prajnaparamita, personnification de cet enseignement supérieur, très en faveur au Tibet.

Source :  Notice rédigée par Nathalie Bazin pour le catalogue de l’exposition Bouddha, la légende dorée, Editions MNAAG / Liénart, 2019