Les « ragamala » (ou « guirlandes de raga ») sont une création propre à l’Inde, sans équivalent dans d’autres traditions artistiques.

Les modes musicaux (raga) y sont personnifiés et incarnés à travers des séries de peintures – procédant d’une iconographie rigoureusement codifiée – qui sont la transcription et la transposition en image de l’atmosphère et des sentiments exprimés par la composition musicale. Parfois, un bref texte poétique accompagne les peintures, réalisant ainsi l’union unique entre musique, peinture et poésie.

Girdhari Lal, Funambules, illustration d’un mode musical (raga) personnifié : Nata Ragini, Inde, école de Lucknow, vers 1780-1782, gouache et or sur papier, achat, 2017, MA 12860

C’est pourquoi, sans l’existence d’un dessin préparatoire émanant d’un album où sont illustrés, et précisément identifiés, 42 modes musicaux (raga)  (Album Johnson 44 ; British Library, Londres), il serait impensable d’associer cette page figurant des funambules et des musiciens au mode musical Nata Ragini – lequel relève habituellement d’une tout autre typologie. C’est précisément en raison de cette iconographie, à la fois rare et insolite – et qui semble n’être attestée que dans la seule école de Lucknow – que cette page suscite l’intérêt : en ce qu’elle rompt avec le répertoire rigoureusement codifié des Ragamala et jette par là-même un éclairage inattendu sur les modèles et les pratiques des peintres de Lucknow à la fin du 18e siècle.