Tout l’été, l’hôtel d’Heidelbach abrite la présentation d’un exceptionnel trousseau de mariée en laque japonais acquis grâce à la générosité de la Société des amis du musée Guimet, unique exemplaire complet conservé par un musée européen.

La pratique de la dot apportée par la famille de la jeune épouse au moment du mariage s’est répandue d’abord dans la classe militaire à l’époque médiévale, puis s’est étendue jusque dans les classes bourgeoises à l’époque d’Edo. Cette dot incluait des sommes en métal précieux, des pièces de soie ainsi que des kimonos et des objets en laque destinés à la nouvelle épouse. Ce trousseau revêtait une importance particulière. Les plus beaux pouvaient prendre quelques années à un atelier entier pour être réalisés. Tous les objets du trousseau étaient décorés de motifs sur des thèmes sélectionnés pour l’occasion, notamment des thèmes tirés du fameux roman de la poétesse Murasaki Shikibu, le Dit du Genji publié au début du 11e siècle. Les motifs étaient répétés sur toutes les pièces, donnant ainsi une unité à l’ensemble. Celui-ci incluait notamment du mobilier et des objets pour l’encens, pour la toilette, pour tout ce qui se rapporte à la calligraphie, l’écriture de la correspondance, ou à la lecture de romans.

Ces occupations étaient considérées comme des occupations quotidiennes convenables aux
femmes de qualité, avec certains jeux de société tels que le backgammon (sugoku), le jeu d’échecs, des jeux de cartes. Les objets destinés au repas et à la nourriture venaient en dernier. La laque a en effet été un matériau de choix au Japon pour la fabrication d’objets utilitaires. Ses propriétés étaient connues au Japon depuis l’époque préhistorique – les plus anciennes traces de laque ont été retrouvées dans des sites de la période du Jomon, au-delà de -5000 avant notre ère. Ce matériau – la gomme extraite de l’arbre rus vernicifera en incisant le tronc dont la propriété est de durcir en atmosphère chaude et humide – permet d’imperméabiliser les objets sur lesquels il est appliqué : poterie, vannerie, ou dans le cas présent un bois tendre tel que le hinoki, une sorte de cyprès. La laque permet ainsi d’obtenir des objets résistants et légers, imperméables et qui conservent bien la chaleur et le froid, par son pouvoir isolant. C’était le matériau de prédilection d’un pays et d’une classe sociale – la noblesse – souvent en déplacement ; et même dans les intérieurs dépouillés des demeures, les objets en laque pouvaient être facilement déplacés et rangés.

Même si les objets du trousseau ne servaient pas de manière quotidienne – on ne les utilisait guère que dans certaines grandes occasions, ce qui explique l’état de conservation presque impeccable dans lequel ils sont souvent –, ils avaient, en quelque sorte, un rôle de représentation dans tous les sens
du terme. Ils étaient offerts en cadeau en signe de reconnaissance et ainsi dispersés ou bien conservés ensemble en mémoire de la personne qui les avait possédés, parfois réintégrés plus tard dans de nouveaux trousseaux pour de nouvelles mariées. Le trousseau acquis par le MNAAG auprès d’une galerie londonienne fait partie de ces trousseaux probablement réalisés dans un atelier spécialisé dans les trousseaux de mariées à partir d’éléments standards complétés pour une commande particulière. Il porte un décor d’éclairs (inazuma) réalisés sur fond noir en laque aventurine (nashiji) et en laque maki-e d’or sous forme de rinceaux. Ce type de rinceaux est assez typique du 18e siècle, de la première moitié notamment. Le travail de la laque d’or maki-e ou nashiji de qualité indique qu’il a été fabriqué par un des ateliers de la capitale impériale, Kyoto, dont c’était alors l’apanage.