À la lueur jaune et vacillante du phare de son scooter, Philong Sovan met en scène ses contemporains dans un Phnom Penh loin des pôles touristiques de la ville inondés par l’éclairage urbain des grandes capitales.

Devenue capitale du Cambodge à l’époque de l’Indochine française, Phnom Penh est située dans la moitié sud du pays au confluent du Tonlé Sap et du Mékong. La croissance économique du pays a engendré un développement anarchique de la ville effaçant progressivement les traces de son protectorat au profit de grandes avenues et de buildings de plusieurs dizaines d’étages. L’arrivée grandissante de touristes étrangers a favorisé l’émergence d’une cité aux multiples standings : tantôt dotée d’infrastructures conformes aux attentes d’une clientèle internationale, tantôt dépourvue d’équipements spécifiques, de tracés directeurs, abandonnée aux aléas de la croissance et de la migration d’une population rurale vers la ville.

C’est au croisement de ces deux univers que se situe le travail photographique de Philong Sovan. Le jour, les citadins vaquent à leurs occupations. Ils franchissent indistinctement les frontières qui, une fois la nuit tombée vers 18h, vont les différencier. Phnom Penh a beau faire mais la différence avec d’autres mégapoles asiatiques comme Bangkok, Singapour, Hong Kong ou Taïwan saute soudainement aux yeux. Son éclairage urbain nocturne, inégalement déployé, plonge des quartiers entiers dans la pénombre. À peine éclairés par la lueur vacillante de quelques ampoules domestiques suspendues à un fil, les murs de la ville s’animent de grandes ombres portées de personnes assises sur le pas de leur porte ou de livreurs accaparés par leurs tâches. Philong Sovan pénètre alors dans ce théâtre des ténèbres où il met en scène à la manière d’un cinéaste ses personnages dans le cadre restreint de son appareil photographique. La lumière jaune du phare de son scooter, immobilisé sur sa béquille, la poignée d’accélérateur ouverte pour bénéficier du meilleur éclairage possible, illumine son sujet d’une tonalité chaude. Philong Sovan agit alors sous l’influence conjuguée des peintres et des cinéastes.

Né en 1986, Philong Sovan a débuté son parcours en tant que photographe de presse pour The Phnom Penh Post entre 2008 et 2011 et a été formé au photojournalisme ainsi qu’à l’image animée par l’Institut Français au Cambodge.

Philong Sovan, photographie de la série Une ville, la nuit, 2015, épreuve au chromopalladium sur papier Atsukuchi, AP22043