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Une plongée dans les clairs obscurs mystérieux des grands temples d’Inde du Sud ! C’est ce à quoi nous invite cette photographie tirée d’un album réalisé par un photographe installé au Sri Lanka à la fin du 19e siècle.

Pendant des siècles l’Europe a essentiellement nourri son goût pour « les Indes » et leur exotisme de fantasmes et de fantasmagories. Les choses changent à la fin du 18e siècle, notamment lorsque Thomas et William Daniell publient, à la demande de la Compagnie anglaise des Indes orientales, la série d’aquatintes des Oriental Scenery. Réalisées à l’aide d’une chambre obscure, ces estampes offrent pour la première fois un rendu exact de paysages naturels et de monuments à travers tout le sous-continent indien. Puis, dans les décennies qui suivent, l’émergence et le développement de la photographie vont permettre de diffuser encore plus largement les images des lieux les plus emblématiques.

Charles Thomas Scowen (1852-1948), Le temple de Meenakshi-Sundareshvara à Madurai (Album de photographies), Inde, vers 1870-1896, épreuve sur papier albuminé, achat, 2007, AP15758

C’est notamment le cas avec Charles T. Scowen qui, avant de s’acheter une plantation de thé, ouvrit un studio de photographie à Kandy, puis un second à Colombo, dans l’île du Sri Lanka (Ceylan). Et, de fait, l’album acquis par le MNAAG rassemble aussi bien des vues de sites singhalais que de monuments d’Inde du Sud, notamment du pays tamoul.

Cette photographie nous fait parcourir un des grands corridors du temple principal de Madurai, grande ville du sud-est de l’Inde qui fut le centre de la culture tamoule antique et la capitale de la dynastie des Pandya. Ce temple est dédié au dieu Shiva (appelé localement Sundareshvara) et à sa bien-aimée, la déesse « aux yeux (en forme) de poisson » (Meenakshi).

L’Inde du Sud est une des régions les plus densément couvertes de temples hindous. À partir du 12e siècle et, plus encore, des 16e-17e, ces sanctuaires s’étendirent spatialement par un jeu d’enceintes concentriques et de portes monumentales pour devenir de véritables villes, comme c’est le cas du grand temple de Madurai. Ces enceintes permirent la multiplication des chapelles, reliées les unes aux autres par de grands corridors en partie couverts et décorés de piliers à la décoration exubérante.

Mieux que ne le firent les aquatintes des Daniell, la maîtrise technique de la lumière par Scowen lui permet de faire pénétrer le spectateur dans l’atmosphère à la fois intime et grandiose, claire et obscure de ces hauts lieux de dévotion.


Madurai

An exploration of the mysterious light and darkness of the great South Indian temples! This is what this photograph from an album taken by a photographer living in Sri Lanka at the end of the 19th century invites us to do.

Charles Thomas Scowen (1852-1948), The Meenakshi-Sundareshvara Temple in Madurai (Photograph Album), India, ca. 1870-1896, albumen print, purchase, 2007, AP15758

For centuries Europe has essentially nourished its taste for « the Indies » and their exoticism with fantasies and phantasmagorias. Things changed at the end of the 18th century, notably when Thomas and William Daniell published, at the request of the English East India Company, the series of aquatints titled Oriental Scenery. Produced with a camera oscura, these prints offered for the first time an accurate rendering of natural landscapes and monuments throughout the Indian subcontinent. In the decades that followed, the emergence and development of photography made it possible to disseminate even more widely the images of the most emblematic places.

This is notably the case with Charles T. Scowen who, before buying a tea plantation, opened a photography studio in Kandy, then a second one in Colombo, on the island of Sri Lanka (Ceylon). And, in fact, the album acquired by the MNAAG brings together views of Sinhalese sites as well as monuments from South India, particularly in the Tamil country.

This photograph takes us through one of the great corridors of the main temple of Madurai, a large city in South-East India which was the centre of ancient Tamil culture and the capital of the Pandya dynasty. This temple is dedicated to the god Shiva (locally called Sundareshvara) and his beloved, the « fish-shaped eyed » goddess (Meenakshi).

South India is one of the most densely populated regions in India with Hindu temples. From the 12th century and, even more so, from the 16th-17th, these shrines expanded spatially through a set of concentric enclosures and monumental gates to become real cities, as is the case with the great temple of Madurai. These enclosures allowed the multiplication of chapels, connected to each other by large corridors partly covered and decorated with exuberantly decorated pillars.

Better than the aquatints of the Daniell family, Scowen’s technical mastery of light allowed him to bring the spectator into the intimate yet grandiose, light yet dark atmosphere of these high places of devotion.