Comme le musée le montrera cet été à l’occasion de sa présentation exceptionnelle d’estampes japonaises (Fuji, pays de neige, 15 juillet-12 octobre), le mont Fuji est un motif récurrent des arts japonais, mais également dans la photographie qui, à partir de la seconde moitié du 19e siècle, joue avec les codes de l’estampe.
Dominant Honshu, l’île principale du Japon, du haut de ses 3776 mètres, le mont Fuji est non seulement un volcan au cône parfait, recouvert de neiges éternelles, mais aussi un grand lieu de pèlerinage, même si son accès est resté interdit aux femmes jusqu’à la période Meiji (1868-1912). Il est en effet connu comme une montagne sacrée depuis le 7e siècle au moins, que ce soit dans le shintoïsme – la religion ancestrale du Japon – ou dans le bouddhisme.

Le symbolisme religieux de la montagne, associé à la symétrie et à la perfection de ses formes, la désignait naturellement comme un sujet de prédilection pour les artistes japonais, que ce soit sur les rouleaux peints, les estampes, ou encore les objets d’art et autres éléments architecturaux. Mais, à l’instar d’Hokusai, les artistes se sont aussi plus à en dépeindre la nature changeante au gré des fluctuations atmosphériques et climatiques ; il illustre, de ce fait la notion toute bouddhique d’impermanence.
Venant en quelque sorte concurrencer l’estampe, la photographie ne pouvait donc que s’emparer de ce sujet majeur. Mais saisir la silhouette lointaine de cette montagne et ses neiges éternelles n’était pas chose aisée pour les premiers photographes. Ainsi, Shimooka Renjo (1823-1914) l’utilise comme fond des portraits qu’il réalise dans son studio de Yokohama à partir de 1869, mais à partir d’une toile peinte.
C’est à Felice Beato (1832-1909) que l’on doit les premières épreuves albuminées représentant le Fuji. Le cône du volcan reste quasi parfait mais apparaît assez massif là où l’estampe avait habitué les spectateurs à un profil plus élancé, finalement idéalisé. Pour autant, le photographe italien naturalisé britannique qui, avant de s’installer au Japon, avait couvert la Révolte des Cipayes en Inde et la Guerre de l’Opium en Chine, se montre aussi apte qu’Hokusai à fixer l’atmosphère flottante qui entoure le Fuji-san.