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En 1911, Alfred Heidelbach et Julie Picard se portent acquéreur d’une parcelle de terrain située entre l’avenue d’Iéna et la rue de Lübeck. Le couple charge René Sergent d’y construire un hôtel particulier agrémenté d’un jardin.
Les Heidelbach sont américains et leur fortune est due aux activités bancaires de leurs familles respectives qui comptent parmi les plus riches de New York. Le couple est installé en France depuis 1898 et Alfred Heidelbach est vice-président puis président de la chambre de commerce américaine de Paris. Ils évoluent dans le cercle très fermé de la grande bourgeoisie financière et c’est dans ce contexte qu’ils font connaissance des Camondo avec lesquels ils sont très liés.
C’est sans doute chez les Camondo qu’ils rencontrent René Sergent, un architecte à la mode. Ses sources d’inspiration sont classiques et il s’intéresse plus spécifiquement aux Gabriel, famille d’architectes qui va marquer le Paris du 18e siècle. Le style de Sergent répond de manière idéale au goût de nouvelles fortunes parisiennes dont le décor et le train de vie participent grandement à leur reconnaissance sociale.
Le cœur de l’hôtel d’Heidelbach est occupé par un monumental escalier dont la forme et le décor copient les escaliers construits par Ange-Jacques Gabriel pour l’École militaire (1751) et au petit Trianon (1762) ; il est proche de celui de l’hôtel des Camondo, sis dans la plaine Monceau. L’ensemble est minéral, travaillé dans un calcaire blond, à grain fin, typique des monuments parisiens ; chapiteaux et pilastres copient des exemples du 18e siècle, comme les cadres de pierre qui ornent les murs. Seule la verrière apporte une touche de modernité. Les galeries de l’étage permettent de desservir les pièces donnant sur l’avenue d’Iéna d’un côté, sur le jardin de l’autre, un jardin d’hiver aujourd’hui modifié occupait une partie du palier.
L’escalier était à l’origine orné d’une grande tapisserie vendue après la mort, en 1932, de Julie Picard-Heidelbach. La cadre de pierre dans lequel elle s’inscrivait est aujourd’hui désormais occupé par une grande peinture « Vision subtile », œuvre créée par l’artiste chinois Jiang Dahai et offerte au MNAAG en 2018, spécifiquement pour ce lieu. Le rouge fait référence à une des couleurs prédominantes des laques chinoises dans cet espace dédié au prestigieux mobilier laqué chinois. Presque monochrome au premier abord, les gammes subtiles de rouge qui la composent s’intègrent merveilleusement dans l’espace de l’escalier et en rehaussent la richesse.