Cette rare composition d’un samouraï en armure de guerre complète tirant à l’arc est l’œuvre la plus connue d’Apollinaire Le Bas. Elle a été reproduite dans plusieurs ouvrages au 20 siècle mais cette photographie n’a pas circulé au 19e siècle contrairement aux portraits de samouraïs d’un autre photographe de la même époque, Felice Beato, largement diffusés dans ses albums et reproduits en gravures dans de nombreux journaux et ouvrages.
Ce samouraï en armure est fixé bandant un arc de guerre au moment où il va décocher la flèche. Cette position, en kyudo, est appelée Kai (会). Dans cette pratique, elle montre « l’harmonie, l’unité entre le lieu, le corps, l’esprit, l’arc, la flèche et la cible. Le tireur continue le mouvement commencé dans la phase précédente. L’archer semble faire une pause pour viser, en réalité il maintient l’extension du corps et de l’esprit dans toutes les directions pour créer une unité entre le corps, l’esprit, le cœur, l’arc, la flèche, la cible 1 … »

C’est dans cette image que le protocole artistique de Le Bas, de retoucher fortement ses photographies par des repeints à l’encre avant de contretyper et de retirer l’épreuve, atteint sa plénitude artistique. Le détourage renforce la composition déjà structurée et graphique. Cette composition est le premier exemple, à notre avis, de japonisme abouti en photographie…
Ce portrait fait partie d’une série de quatre portraits successifs de deux modèles distincts de samouraïs en armure présentant leurs différentes armes : arc, katana et lance. Le Bas a partiellement redessiné à l’encre les épreuves originales avant d’effectuer des retirages et a effacé l’arrière-plan en le repeignant.
L’album duquel est issu cette photographie est une œuvre unique. À ce jour, on ne connaît que vingt-quatre photographies différentes de ce photographe, qui sont toutes dans cet album et qui datent de 1864-1865.
Jules Félix Apollinaire Le Bas (1834-1874) était un photographe amateur français ayant fait toute sa carrière dans la marine impériale. Son bulletin individuel de notes de 1864 indiquait « connaissances accessoires : très fort en photographie ».
1 : D’après : All Nippon Kyudo Federation (A.N.K.F.), Kyudo Manual Volune I – Principles of Shooting (shahō) (revised edition), Tokyo, Photo-Press Kimura Kitaku, 1994, p. 67.