A l’occasion de la Nuit des Idées 2021, le Musée national des arts asiatiques – Guimet vous propose une discussion exceptionnelle entre Sophie Makariou, présidente du MNAAG et l’essayiste David Djaïz autour de l’œuvre de Reena Saini Kallat, Verso-Recto-Recto-Verso présentée au MNAAG.
Reena Saini Kallat s’intéresse particulièrement aux textes juridiques fondateurs et aux mots qui y sont contenus et qui confèrent une légitimité aux nations. Elle y souligne les principes universels de liberté et d’égalité, ainsi que leur tendance à créer un ennemi pour leur propre subsistance. Le travail de Reena Saini Kallat met en évidence les limites de la perception, tant des individus que des sociétés, pour révéler les points aveugles qui pourraient permettre de dégager une vision commune.
L’installation monumentale intitulée Verso-Recto-Recto-Verso (2017-2019) présentée à l’hôtel d’Heidelbach est composée de rouleaux de textes teints suivant la technique du tie and dye (teinture par ligature). Ces rouleaux de soie présentent les préambules des constitutions de pays politiquement divisés ou en conflit, fonctionnant par paires : Inde et Pakistan, États-Unis et Cuba, Serbie et Croatie, Soudan et Sud-Soudan, Bangladesh et Inde, Chine et Japon, Corée du Nord et Corée du Sud. Ces textes fondateurs ont été adoptés par leurs citoyens comme une promesse à eux-mêmes de créer des
nations où règneraient justice, liberté, égalité et fraternité. Les textes en anglais sont reproduits en pointillés de façon fragmentaire, révélés par le processus de liaisons et de de teinture tie and dye sur des tissus teints en bleu-noir par des artisans de la ville de Bhuj, dans l’État indien frontalier du Gujarat.
Verso-Recto-Recto-Verso
Reena Saini Kallat, 2019
Présentée par la galerie Nature morte (New Delhi)
Au milieu des lignes, les mots passent de l’alphabet latin au braille, écrits en points jaunes. L’artiste remplace les mots communs aux deux préambules par le braille, rendant le texte illisible à la fois pour les voyants et les non-voyants. En utilisant la métaphore de la cécité, l’impénétrabilité du texte suggère également une amnésie collective, résultant d’un échec à comprendre et à se battre pour les valeurs communes sur lesquelles ces nations ont été initialement constituées.
Artiste multidisciplinaire née en 1973 à New Delhi, Reena Saini Kallat travaille aujourd’hui à Mumbai. Sa pratique englobe dessin, photographie, sculpture et vidéo, s’intéresse aux idées qui se maintiennent mutuellement en tension dans un monde de mobilité, de commémoration au lendemain d’une amnésie, ainsi qu’à la promesse et à l’illisibilité des documents juridiques nationaux.
L’œuvre de Reena Saini Kallat est présentée dans le cadre de la manifestation « l’Asie Maintenant » en collaboration avec ASIA NOW, Paris Asian Art Fair.